Urgences en optométrie : plus de la moitié des cliniques québécoises refusent les nouveaux patients
mercredi, mai 14 2025 | 10 h 22 min | Nouvelles
Une étude récente révèle que plus de 50 % des cliniques d’optométrie au Québec ne proposent pas de rendez-vous pour des urgences lorsque le patient n’est pas déjà inscrit dans la clinique. Cette recherche, dirigée par le professeur Benoît Tousignant de l’Université de Montréal, en collaboration avec les étudiantes Catherine Binette et Ariane Duchesne, met en lumière des enjeux importants d’accès aux soins pour les patients orphelins en situation d’urgence oculaire.
Publiée dans la revue Clinical and Experimental Optometry, l’étude s’appuie sur une méthode de patients simulés. Entre mai et juin 2022, 95 cliniques ont été contactées par téléphone, du mardi au jeudi, par les deux étudiantes qui se présentaient comme de nouvelles patientes décrivant des symptômes aigus : soit un œil rouge (suspect de conjonctivite), soit des flashs lumineux et corps flottants (évoquant un risque de déchirure rétinienne).
Résultat : 53,9 % des cliniques n’ont proposé aucun rendez-vous.
Selon les chercheurs, cette approche permettait de recueillir des données représentatives de l’expérience réelle des patients, en évitant les biais de réponse possibles si la question avait été posée de manière théorique.
Des écarts entre milieux urbains et ruraux
Les résultats révèlent des disparités importantes selon les régions. Les cliniques en milieu rural se sont montrées les plus accessibles, offrant un rendez-vous dans près de 69 % des cas, contre 40 % en milieu urbain et 30 % en zone périurbaine. L’absence de services spécialisés à proximité pourrait expliquer en partie cette ouverture plus marquée en région.
Cas simples vs cas complexes
Les cliniques étaient légèrement plus susceptibles de proposer un rendez-vous pour le cas d’un œil rouge (34,8 %) que pour les symptômes de type flashs et corps flottants (30,3 %). Les auteurs suggèrent que les contraintes logistiques liées aux examens plus complexes pourraient influencer cette tendance. Les cas graves, nécessitant dilatation et évaluation approfondie, sont plus difficiles à intégrer dans un horaire chargé.
Quand un rendez-vous est offert, il est rapide
Pour les cas ayant obtenu un rendez-vous, le délai moyen de consultation était de 3,7 heures. Les cas potentiellement graves ont été vus plus rapidement (3 heures) que les cas plus bénins (4,9 heures). Les frais facturés aux patients étaient relativement uniformes à travers la province, avec une moyenne d’environ 55 $.
Un enjeu d’organisation, plus que de ressources
L’étude ne remet pas en question les compétences ou la disponibilité des optométristes, mais souligne plutôt une répartition inégale des urgences entre les cliniques. Certaines assument une part importante de la demande urgente, alors que d’autres ne prennent pas en charge les nouveaux cas.
Le professeur Tousignant suggère qu’une prochaine étape de recherche consisterait à analyser plus en profondeur les caractéristiques organisationnelles des cliniques qui réussissent à intégrer les urgences efficacement. Cela permettrait de mieux comprendre les obstacles et les facteurs facilitants à l’accueil de ces patients.
Référence de l’étude :
Tousignant B, Binette C, Duchesne A. Accessing emergency eye care by therapeutically qualified optometrists: A simulated-patient study in Quebec, Canada. Clinical and Experimental Optometry. Publié le 21 avril 2025.
Source : Université de Montréal
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