Par Jenny Lee, OD, FAAO
Pour certains optométristes, les examens de la vue chez les enfants sont simples. Pour d’autres, ils peuvent être source d’inquiétude. Une expérience fluide — de la prise de rendez-vous jusqu’au départ de la clinique — peut faire toute la différence.
Détecter des troubles de la vision chez l’enfant est parfois complexe, surtout en présence d’un trouble d’apprentissage, d’un retard de développement ou de comportements difficiles. Or, ces enfants sont souvent plus à risque d’avoir besoin de lunettes ou de présenter des troubles visuels qui passent facilement inaperçus.1 Par exemple, un enfant qui peine à épeler correctement pourrait souffrir de vision double ou floue — pas uniquement de difficultés scolaires.
En tant qu’optométriste ayant travaillé exclusivement avec des enfants présentant des troubles d’apprentissage et des retards de développement durant ma résidence, voici trois stratégies pratiques pour optimiser les examens pédiatriques tout en assurant une expérience positive pour chacun.

1. Apprendre à connaître l’enfant (et ses parents) avant le rendez-vous
Les formulaires en ligne sont des alliés précieux : ils économisent du temps et offrent un aperçu des besoins spécifiques de l’enfant. Posez des questions sur ses craintes (ex. : peur de la salle d’examen), sa capacité d’attention ou sa préférence pour passer des tests en salle d’attente.
Si l’enfant a une capacité d’attention très limitée ou préfère ne pas avoir son parent dans la salle d’examen, il est important que ces préférences soient communiquées à l’avance afin de pouvoir adapter l’environnement et garantir une expérience positive. En cas de retard de développement pouvant compliquer les tests standardisés, il peut être utile de préparer à l’avance des images ou méthodes alternatives. Par exemple, des symboles d’Allen peuvent être envoyés à la maison pour familiariser l’enfant, et des vidéos favorites peuvent être prêtes sur un téléphone ou une tablette en guise de soutien visuel.
2. Réduire le temps du prétest au minimum et maximiser le temps en salle d’examen
Lorsqu’on ne dispose pas de beaucoup d’équipement spécialisé pour la clientèle pédiatrique, il peut être tentant de faire passer à l’enfant un maximum de tests préliminaires, comme l’auto-réfractométrie, la tonométrie sans contact ou l’imagerie du fond d’œil. Bien que ces données soient utiles, elles peuvent facilement déstabiliser un enfant, surtout lors d’une première visite.
En réalité, les résultats d’un auto-réfractomètre sont souvent peu fiables chez l’enfant, en raison de leur forte capacité accommodative. On peut alors perdre un temps précieux à tenter de valider un résultat aberrant, comme un -8,50. Mener un examen visuel pédiatrique, c’est parfois comme travailler avec une bombe à retardement : l’enfant peut se fatiguer rapidement, souvent dès les 15 à 20 premières minutes. Mieux vaut réserver ce laps de temps à l’examen en salle plutôt qu’à lutter pour une fixation devant une machine.
Commencez plutôt par des tests simples et non menaçants, comme les poursuites, les saccades et la convergence. Ils ne nécessitent pas de réponse verbale et aident à instaurer un climat de confiance. Enchaînez ensuite avec des tests ludiques et interactifs comme la vision des couleurs ou la stéréopsie.

Une fois la relation établie, passez aux évaluations essentielles : acuité visuelle, réfraction et santé oculaire. L’imagerie rétinienne et l’auto-réfractométrie peuvent être reportées s’il n’y a pas de signes inquiétants, selon l’énergie et la coopération de l’enfant. Un séquençage flexible contribue à bâtir la confiance — et améliore la collaboration, tant lors de l’ajustement des lunettes que lors des visites futures.

3. Adapter les outils… et tirer parti des nouvelles technologies
Un examen pédiatrique peut sembler intimidant lorsqu’on ne dispose pas de cartes d’acuité de Teller, de palettes de Léa ou d’un ophtalmoscope indirect adapté. Pourtant, de nombreuses alternatives existent, et il est essentiel de se rappeler que l’objectif principal demeure l’observation du comportement visuel de l’enfant.


De petits jouets, des vidéos ou des livres illustrés peuvent très bien servir de cibles de fixation. Il existe aussi plusieurs applications mobiles utiles aux professionnels de la vue, offrant des optotypes de près, des cibles de fixation et même des évaluations prolongées comme la mesure de distance à l’écran. Des applications comme My Call Bag ou Smart Optometry proposent des tests d’acuité visuelle à différentes distances, ainsi que d’autres outils ludiques pensés pour les enfants.
Certaines fonctions intégrées, comme l’option « Distance de l’écran » chez Apple, permettent également aux parents de surveiller les habitudes visuelles de leur enfant, même lorsqu’ils ne peuvent pas les observer directement. Cela s’avère particulièrement utile pour les enfants autistes, qui présentent souvent un taux plus élevé d’erreurs réfractives tout en rencontrant davantage de difficultés à porter des lunettes en raison de sensibilités sensorielles.²˒³


En résumé : garder les examens pédiatriques courts, simples et flexibles
La clé d’un bon examen pédiatrique réside dans la souplesse. Une expérience positive et sans stress favorise la collaboration et permet une détection précoce des troubles visuels. À long terme, cela renforce la relation de confiance avec les familles — et jette les bases d’une santé visuelle durable.
Note : L’auteure ne détient aucun lien financier avec les entreprises ou applications mentionnées dans l’article.
Références
- Donaldson L, O’Brien D, Karas M. A review of the evidence that people with learning disabilities experience eye health inequalities: What policies can better ensure an equal right to sight? Br J Learn Disabil. 2024;52(2):302-311.
- Reynolds M, Culican SM. Visual Autism. Children (Basel). 2023;10(4):606.
- Zain A et al. Refractive Errors Linked to Autism Spectrum Disorders in the Pediatric Population and Young Adults: A Systematic Review and Meta-Analysis. Rev J Autism Dev. Disorder. 2024.
Jenny Lee est actuellement résidente en pédiatrie et en thérapie visuelle à l’Université de Waterloo. Elle a obtenu son diplôme en optométrie en 2023 de l’École d’optométrie et des sciences de la vision de l’Université de Waterloo. Originaire de Vancouver, en Colombie-Britannique, Jenny est une randonneuse passionnée, peintre, et elle aime faire du paddleboard et créer des vidéos Instagram pendant son temps libre.
Vous voulez voir plus d’articles comme celui-ci? Cliquez ici pour vous abonner à notre magazine imprimé GRATUIT et à nos infolettres!


